La qualité des eaux environnantes et leur position géographique ont fait du site de Fourvière un emplacement de choix pour installer la future cité gallo-romaine. Située en surplomb de la Saône et du Rhône et proche de sources d’eau, Lugdunum dispose de tous les atouts pour commercer avec les cités de la vallée du Rhône mais aussi pour assurer le développement de sa population.
43 avant JC : la fondation de Lugdunum
La colonie romaine fondée par le proconsul de la Gaule, Lucius Munatius Plancus, se développe et devient rapidement une place économique et stratégique importante. Lugdunum est au carrefour de toutes les routes stratégiques qui unissent les Gaules. Bien que construite non loin de la Saône, la cité romaine connaît des besoins en eau grandissants.
C’est probablement le général Romain Agrippa, proche conseiller de l’empereur Auguste, qui ordonne la construction du premier aqueduc – celui des Monts d’Or – qui alimentera Lugdunum en eau. Trois autres aqueducs suivront : l’aqueduc de la Brévenne, de l’Yzeron et du Gier. Lugdunum est alors la cité romaine qui compte le plus d’aqueducs après Rome. Une marque qui témoigne de l’importance cruciale de la Capitale des Gaules dans l’Empire Romain.
Maçonnés de manière ingénieuse, l’eau est conduite dans des canalisations en plomb jusqu’au cœur de la cité. Ce matériau était alors celui qui offrait à l’époque les meilleures qualités (solidité et malléabilité) pour distribuer l’eau, malgré les risques de développement de saturnisme.
De rares vestiges encore visibles
95% du réseau des aqueducs étaient souterrains. Mais nous pouvons encore voir quelques vestiges de cette infrastructure au sein même de la ville ainsi qu’à ses abords. Des traces qui témoignent de l’ingéniosité du premier réseau de captage des eaux de la métropole lyonnaise. Déjà à l’époque, la qualité de l’eau était un enjeu de taille. Des bassins de décantation permettaient de rendre l’eau moins trouble et plus propre avant son entrée dans les aqueducs. Des agents étaient également chargés d’entretenir et de réparer le réseau d’aqueducs.
L’eau captée terminait alors son parcours dans des réservoirs (comme la grotte Bérelle) au sein de la cité Gallo-Romaine. L’eau venait alimenter les fontaines publiques ainsi que les thermes publiques (Rue des Farges) et enfin l’adduction privée. Déjà à l’époque…
La fin de l’Empire Romain et d’une eau salubre
Au Ve siècle, à la fin de l’Empire Romain prend fin, la Gaule connaît les invasions barbares. Les aqueducs romains sont détruits et son plomb est pillé. L’eau n’arrivant plus au cœur de la cité gallo-romaine et craignant de nouvelles invasions, les habitants délaissent les hauteurs pour occuper les abords de la Saône. Tout proche de l’eau, chacun s’approvisionne comme il peut. La nappe d’eau peu profonde de la rivière permet le creusement de nombreux puits mais ils restent insuffisants.
Pendant près de 1000 ans, les habitants s’approvisionnent en eau de manière aléatoire en allant la chercher aux rares fontaines publiques ou sur les différents cours d’eau. L’insalubrité s’installe et au XIVè siècle, 50% de la population succombe de maladie, du fait du manque d’hygiène.
La Renaissance de l’eau ?
Ville de première importance dans le Royaume de France, Lyon accueille 4 foires annuelles qui amènent visiteurs et commerçants de toute l’Europe. L’ancienne Capitale des Gaules est alors l’un des centres économiques les plus puissants d’Europe. La ville se développe mais l’approvisionnement en eau n’est absolument pas la priorité du pouvoir. Son accès reste une affaire privée. De nombreux nouveaux puits sont creusés (et encore visibles notamment dans le Vieux Lyon). Ces ouvrages privés marquaient par leur décoration le statut social du propriétaire. Quelques sources existaient également, notamment dans les pentes de Choulans (source de Ciolan) et de Fourvière (source de Chana).
Une prise de conscience publique après la Révolution
Les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse sont creusées pour y construire des galeries afin de drainer les eaux souterraines. L’eau captée vient alimenter des fontaines publiques. La ville s’embellit de fontaines mais le besoin en eau des habitants n’est pas encore pleinement satisfait. On compte alors un point d’eau pour 800 habitants.
1853 : création de la Compagnie Générale des Eaux
Napoléon III crée la Compagnie Générale des Eaux qui va réaliser le projet d’adduction du Rhône porté par le préfet Vaïsse. La construction de l’usine d’eau de Saint-Clair et du réseau qui alimentera la Rive droite du Rhône dure 3 ans. Depuis l’usine de Saint-Clair, l’eau est captée dans la nappe alluviale du Rhône et filtrée naturellement par la roche et des bassins filtrants. Cette eau remonte dans des réservoirs grâce à l’action de trois pompes de Cornouailles. Elle est ensuite distribuée à travers 78 km de canalisations. 20 000 m3 d’eau potable sont produits chaque jour pour alimenter les habitants. 20km de canalisations sont aussi construites pour évacuer les eaux usées.
1859 : le réseau s’étend peu à peu
De nouvelles galeries filtrantes sont creusées. Le réseau se développe également afin d’acheminer l’eau potable jusqu’au plateau de la Croix-Rousse et au sommet de la colline de Fourvière, 1400 ans après les premiers aqueducs romains. 28 000 m3 d’eau potable sont alors distribués chaque jour aux Lyonnais.
1898 : construction de l’usine de Grand-Camp
L’usine de Grand-Camp voit le jour et capte l’eau dans la nappe alluviale du Rhône à la Feyssine pour la distribuer jusqu’à la Rive gauche du Rhône.
1910 : la production d’eau potable dans le sens du courant
Le réseau continue de s’étendre et les moyens de production se modernisent. Les emblématiques pompes à vapeur de Cornouailles laissent place à des pompes électriques. L’une des pompes de Cornouailles – classée au titre des monuments historiques – a été conservée au sein de l’usine d’eau de Saint-Clair.
Mise en place du Plan 2000 par Louis Pradel
Malgré l’extension et la modernisation des moyens sur la première moitié du XXè siècle, des difficultés de production d’eau potable réapparaissent – notamment à cause du gel – et Lyon connaît 2 importantes pénuries d’eau potable. Louis Pradel active alors le Plan 2000 en 1966 destiné à alimenter une population future de 700 000 habitants avec une volume journalier d’eau potable de 500 000m3. Le champ captant de Crépieux-Charmy est alors créé ainsi que 2 nouvelles usines de production. 114 puits sont recensés. Le réseau de distribution est profondément remanié et les capacités de stockage sont renforcées.
« Ce programme prévoit l’utilisation intensive de l’île de Crépieux sur le Rhône, à l’amont immédiat de Lyon, dernier site de captage utilisable, à l’abri de toute pollution humaine, au voisinage de l’agglomération. Nous voulons espérer que les pouvoirs publics s’opposeront à l’installation, à son amont, de toute industrie qui déverserait son effluent dans le fleuve et spécialement d’industries du pétrole ou des détergents. Leurs eaux usées, même, après épuration, renferment en effet des produits d’élimination très difficile, dont la présence est incompatible avec la sauvegarde des qualités nécessaires à une eau destinée à l’alimentation humaine ». Extrait du « Plan de l’an 2000 ».
R-F. Girard. 1966
1969 : première approche communautaire de la gestion de l’eau potable
La Communauté urbaine de Lyon, nouvellement créée, récupère la gestion de l’eau potable des communes qui la composent. Une unification du réseau est alors entreprise et on construit les stations d’épuration de Pierre-Bénite (1972) et de Saint-Fons (1977) pour rendre à la nature l’eau prélevée.
Les usines de Saint-Clair et de Grand-Camp tirent leur révérence
En 1976, les usines de Saint-Clair et de Grand-Camp cessent de fonctionner. L’urbanisation croissante de Lyon et des villes limitrophes étouffe et menace peu à peu leur points d’eau. Alors que l’usine de Saint-Clair reste ouverte aux visites, animées par l’association L’eau à Lyon et la pompe de Cornouailles, l’usine de Grand-Camp devient en 1989 – avec l’accueil de New Order – le Transbordeur.
La gestion de l’eau potable déléguée au privé puis de nouveau publique
Après une longue période d’investissements financiers pour améliorer la production d’eau potable et de diversification des sources d’approvisionnement, la gestion de l’eau n’est plus vue comme un enjeu politique mais technique. La Communauté urbaine fait alors le choix de déléguer la production d’eau potable au privé, à Véolia, en 1986. La COURLY reste cependant propriétaire du réseau et des moyens de production.
1er janvier 2023 : l’eau potable redevient gérée en bien commun
Après presque 40 ans de délégation de gestion privée, la Métropole de Lyon récupère la pleine compétence de l’eau potable, souhaitée par l’exécutif dès sa prise de fonction. Elle crée la régie publique Eau du Grand Lyon à qui elle confie la responsabilité de préserver, à long terme, les ressources en eau et de garantir l’accès à l’eau à tous, par une gestion publique de proximité et de qualité. L’Assemblée des usagers de l’eau est instaurée, pour favoriser une gouvernance démocratique de l’eau sur le territoire.
1er janvier 2025 : un prix plus juste et incitatif à la sobriété hydrique
Après un travail de concertation d’un an avec l’Assemblée des Usagers, la nouvelle tarification solidaire et environnementale entre en vigueur le 1er janvier 2025. Elle répond à trois enjeux :
- La sobriété : elle incite à faire des économies d’eau par des tarifs progressifs, qui augmentent par tranches, selon les volumes d’eau consommés.
- L’universalité : elle garantit un accès inconditionnel à l’eau à tous par la gratuité de 12 m3 d’eau annuels, couvrant les besoins vitaux du foyer.
- La solidarité : elle répond à un enjeu de justice sociale par la mise en place du versement solidaire eau pour les foyers les plus précaires.